Mme Moucheboume a téléphoné à maman pour l'inviter à prendre le thé cet après-midi. Mme Moucheboume a demandé à maman de m'amener avec elle, parce que je suis très chou. Moi, ça ne m'amuse pas trop d'aller prendre le thé chez Mme Moucheboume, parce qu'elle n'a pas d'enfants ni de télé chez elle, mais maman m'a dit que puisque Mme Moucheboume veut que j'aille prendre le thé chez elle, j'irai prendre le thé chez elle, et un point c'est tout. Mme Moucheboume, c'est la femme de M. Moucheboume, qui est le patron de mon papa.
Alors, maman m'a mis le costume bleu marine et les chaussettes blanches, et elle m'a peigné. Quand je suis habillé comme ça, j'ai l'air d'un vrai guignol. Et puis maman a regardé mes chaussures et elle a dit qu'elles ne brillaient pas assez, et qu'elle allait leur donner un coup de brosse, mais qu'il se faisait tard, et que d'abord elle allait commencer par s'habiller et se préparer. « Si tu es bien sage, m'a dit maman, ce soir, je ferai de la tarte aux pommes », et puis elle est partie. Moi, j'aime bien ma maman, et la tarte aux pommes, alors, j'ai décidé de ne pas faire de bêtises.
Et puis, je me suis dit que ce qui serait une bonne surprise pour maman, ce serait que je cire mes chaussures pendant qu'elle se prépare, comme ça, quand maman viendrait pour me donner un coup de brosse, elle verrait mes chaussures drôlement brillantes, et elle dirait : « Oh, mais mon Nicolas est un grand garçon, et il aide sa maman ! » Et puis, elle m'embrasserait, et ce soir, pour le coup, de la tarte aux pommes je pourrai m'en resservir deux fois, trois peut-être. Ça sera chouette !
Je suis allé dans la cuisine, où se trouve la petite valise dans laquelle il y a les choses pour cirer les chaussures. J'ai fait comme papa, j'ai donné d'abord un coup de brosse à mes souliers qui ont déjà commencé à briller, et puis j'ai pris la boîte de cirage noir, et j'ai cherché la petite brosse avec laquelle papa met le cirage sur ses chaussures. Mais comme je n'ai pas trouvé la petite brosse (maman dit que papa est très désordonné), j'ai mis le cirage avec les doigts, ça ne fait rien, parce qu'après je me laverai les mains. Le cirage s'étend drôlement bien comme ça, la seule chose, c'est qu'il rentre un peu sous les ongles. Après, j'ai pris la grande brosse et j'ai frotté, en sifflant, comme fait papa, mais c'est drôle, les chaussures brillaient moins qu'avant que je mette le cirage, alors, j'ai remis du cirage, une bonne couche, et puis au lieu de me servir de la brosse, j'ai pris un torchon que maman, de toute façon, allait sûrement mettre dans le panier à linge sale.
Les chaussures, elles brillaient pas trop, mais ça allait. Ce qui est embêtant, c'était les chaussettes. Je ne sais pas comment fait papa pour ne pas se salir les chaussettes quand il se cire, il faut dire qu'il ne met pas de chaussettes blanches ; les miennes, elles étaient noires jusqu'à la moitié de la jambe, mais c'est forcé, les chaussettes, c'est pas comme les manches, on ne peut pas les retrousser. Alors, j'ai pris le gros morceau de savon qui est sur l'évier, je l'ai mouillé au robinet qui éclabousse, et j'ai frotté mes chaussettes. Ça ne les a pas très bien nettoyées et ça m'a fait froid aux jambes, mais avec encore un coup de cirage sur les chaussures, j'ai pu enlever le savon qui était tombé dessus.
Ce que j'aurais dû faire, c'est retrousser les manches de ma chemise, parce que les poignets étaient mouillés presque jusqu'aux coudes, et il y avait quelques taches de cirage. Sur le blanc, le noir ça se voit beaucoup, maman dit toujours que c'est très salissant, et elle a raison. C'est plus salissant que le bleu marine, en tout cas, parce qu'il fallait regarder mon veston de très près pour voir les taches de cirage qui étaient dessus. D'ailleurs, j'ai gratté le cirage du veston avec le couteau dont papa se sert pour découper le gigot, quand il y en a, et tout s'est très bien arrangé. J'ai enlevé mon veston et je l'ai mis sur le dossier d'une chaise, mais c'est la chaise qui ne tient pas, et bing ! tout est tombé par terre : le veston, la chaise et la valise avec les choses pour cirer les chaussures, que j'avais mise sur la chaise. Ce n'était pas bien grave, sauf pour la boîte de cirage, qui est tombée par terre du côté du cirage, comme le font les tartines d'Alceste, quand on le bouscule dans la cour de la récré, mais là, ce n'est pas du cirage, mais du beurre, ou même de la confiture souvent.
Alors j'ai décidé de nettoyer la tache qui était sur le carrelage de la cuisine, j'avais pas envie de me faire gronder par maman, et j'ai pris un autre torchon, que maman allait sûrement mettre aussi dans le panier du linge sale. Mais avec le torchon, ça, je dois dire, ça n'a pas trop bien marché, parce que le cirage s'est étendu, sans partir. Alors, j'ai fait comme maman, j'ai pris le balai, pas celui qui a des pailles longues au bout, l'autre, j'ai mouillé le torchon au robinet qui éclabousse, et que j'avais bien fait de ne pas fermer, et j'ai mis le torchon au bout du balai. Et puis, j'ai commencé à frotter, mais, c'est drôle, le cirage ça l'a mouillé mais ça ne l'a pas enlevé.
Alors, j'ai pris le gros morceau de savon, j'ai gratté le noir qui était dessus, avec le couteau à découper le gigot, et puis je me suis mis à genoux par terre, et avec les deux mains, j'ai frotté le savon sur le cirage. L'ennui, c'est que ça n'a pas beaucoup nettoyé le cirage, mais que ça a drôlement sali le savon. Mais ce n'était pas grave, pas plus que la cravate, parce que c'était seulement le bout qui a traîné par terre, et quand je ferme le bouton du haut de mon veston, le bout de la cravate, on ne le voit pas. Non, ce qui était embêtant, c'était le pantalon à cause des genoux qui étaient pleins de cirage mouillé, et c'est drôle, mais même sur du bleu marine ça se voyait. J'aurais dû retrousser mon pantalon, parce que même sans le retrousser, mes genoux se sont salis. Je me suis dit que ce que j'avais de mieux à faire, c'était d'aller me changer, je rangerais la cuisine après. En me levant pour aller dans ma chambre, je me suis vu dans la petite glace de la cuisine, et alors là, j'ai rigolé. J'avais la figure pleine de cirage, surtout sur le nez. J'avais l'air d'un clown et je me suis amusé à faire des grimaces, et puis j'ai entendu un grand cri.
C'était maman qui était à la porte de la cuisine. Elle était pas contente, maman. Elle m'a pris par le bras, et elle m'a dit que je serais privé de dessert, et qu'on verrait ce que papa aurait à dire quand on lui raconterait ce qui s'est passé.
Et moi, je me suis mis à pleurer, parce que d'accord, j'avais fait quelques bêtises, mais ce qui n'est pas juste, mais pas juste du tout, c'est vrai quoi, à la fin, c'est que maman ne s'est même pas aperçue que j'avais ciré mes chaussures. Et tout seul, encore !
http://fr.tv.yahoo.com/humour/petit-nicolas/
Alors, maman m'a mis le costume bleu marine et les chaussettes blanches, et elle m'a peigné. Quand je suis habillé comme ça, j'ai l'air d'un vrai guignol. Et puis maman a regardé mes chaussures et elle a dit qu'elles ne brillaient pas assez, et qu'elle allait leur donner un coup de brosse, mais qu'il se faisait tard, et que d'abord elle allait commencer par s'habiller et se préparer. « Si tu es bien sage, m'a dit maman, ce soir, je ferai de la tarte aux pommes », et puis elle est partie. Moi, j'aime bien ma maman, et la tarte aux pommes, alors, j'ai décidé de ne pas faire de bêtises.
Et puis, je me suis dit que ce qui serait une bonne surprise pour maman, ce serait que je cire mes chaussures pendant qu'elle se prépare, comme ça, quand maman viendrait pour me donner un coup de brosse, elle verrait mes chaussures drôlement brillantes, et elle dirait : « Oh, mais mon Nicolas est un grand garçon, et il aide sa maman ! » Et puis, elle m'embrasserait, et ce soir, pour le coup, de la tarte aux pommes je pourrai m'en resservir deux fois, trois peut-être. Ça sera chouette !
Je suis allé dans la cuisine, où se trouve la petite valise dans laquelle il y a les choses pour cirer les chaussures. J'ai fait comme papa, j'ai donné d'abord un coup de brosse à mes souliers qui ont déjà commencé à briller, et puis j'ai pris la boîte de cirage noir, et j'ai cherché la petite brosse avec laquelle papa met le cirage sur ses chaussures. Mais comme je n'ai pas trouvé la petite brosse (maman dit que papa est très désordonné), j'ai mis le cirage avec les doigts, ça ne fait rien, parce qu'après je me laverai les mains. Le cirage s'étend drôlement bien comme ça, la seule chose, c'est qu'il rentre un peu sous les ongles. Après, j'ai pris la grande brosse et j'ai frotté, en sifflant, comme fait papa, mais c'est drôle, les chaussures brillaient moins qu'avant que je mette le cirage, alors, j'ai remis du cirage, une bonne couche, et puis au lieu de me servir de la brosse, j'ai pris un torchon que maman, de toute façon, allait sûrement mettre dans le panier à linge sale.
Les chaussures, elles brillaient pas trop, mais ça allait. Ce qui est embêtant, c'était les chaussettes. Je ne sais pas comment fait papa pour ne pas se salir les chaussettes quand il se cire, il faut dire qu'il ne met pas de chaussettes blanches ; les miennes, elles étaient noires jusqu'à la moitié de la jambe, mais c'est forcé, les chaussettes, c'est pas comme les manches, on ne peut pas les retrousser. Alors, j'ai pris le gros morceau de savon qui est sur l'évier, je l'ai mouillé au robinet qui éclabousse, et j'ai frotté mes chaussettes. Ça ne les a pas très bien nettoyées et ça m'a fait froid aux jambes, mais avec encore un coup de cirage sur les chaussures, j'ai pu enlever le savon qui était tombé dessus.
Ce que j'aurais dû faire, c'est retrousser les manches de ma chemise, parce que les poignets étaient mouillés presque jusqu'aux coudes, et il y avait quelques taches de cirage. Sur le blanc, le noir ça se voit beaucoup, maman dit toujours que c'est très salissant, et elle a raison. C'est plus salissant que le bleu marine, en tout cas, parce qu'il fallait regarder mon veston de très près pour voir les taches de cirage qui étaient dessus. D'ailleurs, j'ai gratté le cirage du veston avec le couteau dont papa se sert pour découper le gigot, quand il y en a, et tout s'est très bien arrangé. J'ai enlevé mon veston et je l'ai mis sur le dossier d'une chaise, mais c'est la chaise qui ne tient pas, et bing ! tout est tombé par terre : le veston, la chaise et la valise avec les choses pour cirer les chaussures, que j'avais mise sur la chaise. Ce n'était pas bien grave, sauf pour la boîte de cirage, qui est tombée par terre du côté du cirage, comme le font les tartines d'Alceste, quand on le bouscule dans la cour de la récré, mais là, ce n'est pas du cirage, mais du beurre, ou même de la confiture souvent.
Alors j'ai décidé de nettoyer la tache qui était sur le carrelage de la cuisine, j'avais pas envie de me faire gronder par maman, et j'ai pris un autre torchon, que maman allait sûrement mettre aussi dans le panier du linge sale. Mais avec le torchon, ça, je dois dire, ça n'a pas trop bien marché, parce que le cirage s'est étendu, sans partir. Alors, j'ai fait comme maman, j'ai pris le balai, pas celui qui a des pailles longues au bout, l'autre, j'ai mouillé le torchon au robinet qui éclabousse, et que j'avais bien fait de ne pas fermer, et j'ai mis le torchon au bout du balai. Et puis, j'ai commencé à frotter, mais, c'est drôle, le cirage ça l'a mouillé mais ça ne l'a pas enlevé.
Alors, j'ai pris le gros morceau de savon, j'ai gratté le noir qui était dessus, avec le couteau à découper le gigot, et puis je me suis mis à genoux par terre, et avec les deux mains, j'ai frotté le savon sur le cirage. L'ennui, c'est que ça n'a pas beaucoup nettoyé le cirage, mais que ça a drôlement sali le savon. Mais ce n'était pas grave, pas plus que la cravate, parce que c'était seulement le bout qui a traîné par terre, et quand je ferme le bouton du haut de mon veston, le bout de la cravate, on ne le voit pas. Non, ce qui était embêtant, c'était le pantalon à cause des genoux qui étaient pleins de cirage mouillé, et c'est drôle, mais même sur du bleu marine ça se voyait. J'aurais dû retrousser mon pantalon, parce que même sans le retrousser, mes genoux se sont salis. Je me suis dit que ce que j'avais de mieux à faire, c'était d'aller me changer, je rangerais la cuisine après. En me levant pour aller dans ma chambre, je me suis vu dans la petite glace de la cuisine, et alors là, j'ai rigolé. J'avais la figure pleine de cirage, surtout sur le nez. J'avais l'air d'un clown et je me suis amusé à faire des grimaces, et puis j'ai entendu un grand cri.
C'était maman qui était à la porte de la cuisine. Elle était pas contente, maman. Elle m'a pris par le bras, et elle m'a dit que je serais privé de dessert, et qu'on verrait ce que papa aurait à dire quand on lui raconterait ce qui s'est passé.
Et moi, je me suis mis à pleurer, parce que d'accord, j'avais fait quelques bêtises, mais ce qui n'est pas juste, mais pas juste du tout, c'est vrai quoi, à la fin, c'est que maman ne s'est même pas aperçue que j'avais ciré mes chaussures. Et tout seul, encore !
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